Non. Avant même que la question me soit posée, je vous répond sans aucun supplice, le plaisir est là. Le plaisir de découvrir un groupe de nos cousins d'outre-atlantique, qui décidément ont la sympathique manie de nous ravir par leur inventivité artistique. Qu'ils chantent dans la langue de Shakespeare (Arcade fire, Patrick Watson) ou de Molière (Malajube, Ariane Moffatt), nos comparses canadiens savent offrir un univers singulier emprunt des influences nord-américaine et européenne, saupoudré de l'essence de leur contrée. Monogrenade est de cette trempe, de celle qui s'approprie les codes pop, rock et folk pour donner naissance à un son propre, onirique et vaporeux par les notes, sombre et mélancolique par les mots, s'échappant des lieux et des contraintes où l'on cantonnent les artistes, empaumant nos esprits dans un monde pas si beau que cela, mais pas si moche non plus. Le groupe basé à Montréal voit le jour en 2008 et se fait connaître dès la sortie de son EP, la saveur des fruits. Mais c'est surtout à l'écoute de Ce soir, présent sur leur premier album Tantale, que la bande à Jean-Michel Pingeon connait son premier vrai succès, succès qui les a amené aux Découvertes du Printemps de Bourges cette année. Tantale fait office de boule de cristal pour le groupe, tant l'avenir se promet sans tourment à son écoute. La plume est maitrisée, la poésie est douce et amère sur « La fissure », nous rappelant un Dominique A. sublime. « De toute façon » est léger et entrainant, cyclique dans la forme, libérateur dans le fond. La musique n'est pas en reste, elle est même le liant de l'album et le lien du groupe, exaltant les textes de Pingeon, offrant des paysages que les carnets de voyage d'un Tiersen nous avaient déjà appris à apprécier (Escapade, D'un autre oeil). Un subtil passage folk supporté par une voix apaisé et une guitare apaisante (Immobile) prend le relais d'une electro planante et psychée rappelant le très inspiré Kid A d'un groupe qui l'est tout autant (M'en aller) ou d'un morceau d'électro-pop, mariage du numérique et du physique, estimé par ailleurs chez leur comparse Moffat (Obsolète). Si « Ce soir » ne doit pas à lui tout seul caractériser le travail de Monogrenade, il démontre néanmoins le potentiel du groupe et la ligne directrice voulue sur cet album: derrière une apparente futilité dance-hall, ce titre révèle les troubles de l'être, ici la peur de la perte de l'alter ego, expression du désenchantement des sentiments et de la vie, servis par une orchestration léchée et figurée, spleen des cordes (âme) et électronique pulsatile (coeur). Souffrez donc ce supplice, à l'écoute de Tantale, vous y retournerez.
Mr Blue
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