Le temps est a la pluie et la morosité. Vous vous dîtes qu'il faut que vous sortiez de votre quotidien et des poids qui vous engluent dans ce marasme. Alors vous décidez de prendre la voiture, sans oublier d'éteindre votre radio. Et là sans trop comprendre pourquoi, un furtif sourire se peint sur votre visage. Dehors il pleut et on n'y voit pas plus loin que le bout de vos pieds, qui trainent d'ailleurs à côté de vous. Vous prenez la voiture, démarrez et allumez la radio. On n'y voit vraiment rien et vous vos maudissez sur vos éternelles prises d'initiatives plus digne du coup de sang que du coup de génie. Tant pis l'eau qui ruisselle sur le pare-brise aura peut-être le mérite de nettoyer vos idées noires. Et encore une fois, subrepticement, une douceur vous envahit. Vous enchainez les virages comme vous enquillez les mirages de votre morne existence, la pluie redouble, votre spleen tout autant, sans doute les gouttes ont trouvé refuge au coin de vos lacrymales. Mais, et vous n'en comprenez pas la raison, vous ne pouvez vous empêcher de sourire, tout du moins d'être inondé par un sentiment de quiétude. Alors vous êtes paumé, je ne parle pas de votre vie, quoique à la lecture du portrait esquissé cela pourrait être le cas, non sur la route, vous avez pris un chemin inconnu, un petit chemin de campagne et vous vous retrouvez sur une petite place, un petit lieu abandonné de tous, même du regard bienheureux des marmots. Vous vous arrêtez, un banc bancal, un peu gauche dans sa constitution, un peu sur vote droite, un peu à l'abri sous un arbre qui n'attendait qu'une personne pour recouvrer son rôle de protecteur de ces lieux. Et là vous vous posez pour contempler, ce lieu, simple, chaleureux, effet un peu amplifié il est vrai par le rayon de soleil qui effleure votre visage. Un lieu où des oiseaux au chant cristallin, musical et agréable trouble votre grisaille. Un lieu reposant où vous vous dites que malgré les affres qui vous entourent, malgré tout, la vie c'est la vie et c'est très bien ainsi.. Et vous vous rappelez cette musique de ce matin, à la radio chez vous, puis dans votre voiture, Olöf Arnalds. Et vous vous dites que rien n'est vraiment dû au hasard. Le troisième album de cette jeune islandaise, connue dans son pays notamment pour un duo avec la Fée Bjork sur le second, est le premier entièrement en anglais. Sudden elevation donc, n'est pas un médicament, ou alors une plante médicinale, naturelle, bienfaitrice et sans artifice. La posologie est précise. Prenez au moins une dose par jour de ces 12 titres lors de vos moments de lassitude car la demoiselle déchirera sans heurt ce voile mélancolique qui vous ceint. Si Bjork est la fée du pays du feu et de la glace, Arnalds en est la Trobairitz du « nord » (Return again). Kyrie Kristmanson me pardonnera cet écart géographique tant il est à noter des similitudes entre l'islandaise et la canadienne sur la signature vocale, limpide et empathique, embaumant et transperçant l'âme (Sudden elevation). Shara Worden, My Brightest Diamond pour les intimes, est aussi à rapprocher de ces demoiselles. Mais là où l'américaine est plus pop et la canadienne jazz, Olöf Arnalds est plus classique dans son approche. On pourrait aisément l'imaginer narrer ses écrits dans la cour des miracles, celle du roi ou le long d'un cours...d'eau. Cette conteuse nous relate ses histoires avec une telle chaleur humaine, une telle candeur qu'il est difficile de ne pas succomber et de plonger dans ses instants lyrique et onirique, un instant seulement, même pour les plus réfractaires (Onwards and upwards). Peu de fois la simplicité et l'épure des mélodies n'ont paru si fouillées et prégnantes, ceci est dû à la qualité de la voix, un organe parfois très émouvant. Même quand elle s'autorise des rajouts de ch?ur (A little grim) ou des arrangements plus chauds (Numbers and Names) ou riches (German fields et son côté Sufjan Stevens), il faut avouer que c'est belle et bien la voix qui fascine encore. Votre c?ur et votre esprit allégés, vous regagnez votre voiture et, dans le coin de votre regard, vous vous surprenez à apercevoir une dame en blanc en contrebas à l'orée de ce royaume sylvestre que vous contempliez. Elfe entourée des hôtes de ces bois, même le roi soleil semble captivé, posant son regard et ses bras vers cette source de beauté qui jamais ne tarit.
Mr Blue
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