L'autre jour je discutais au mieux que possible, n'est pas français qui veut, avec des anglophones. Conversant sur la langue de Molière, mes interlocuteurs mentionnèrent qu'au delà des difficultés grammaticales, ils étaient fort étonnés de notre richesse lexicale et de notre capacité à pousser aux néologismes, particulièrement argotiques. Et pourtant d'une certaine manière nos artistes restent dans une sorte de classicisme parfois bien réducteur et cartésien sur leurs compositions. La scène française peut-elle dès lors s'extirper de sa prison dorée dans laquelle elle s'est enferrée ? Aux vues des écritures proposées, même dans la branche rock qui pourrait pourtant s'affranchir de ces codes, difficile de s'en convaincre tant nous sommes inféodés à notre parler de tradition écrite, encyclopédique, beaucoup plus qu'orale, métaphorique. On ne retrouve que peu cette liberté parfois outrancière ou choquante que nous percevons dans d'autres univers artistiques, mode, peinture et même poésie, exercice d'excellence s'il en est un sur le processus d'écriture, à croire qu'un Rimbaud est plus punk et ouvert d'esprit que bon nombre de nos contemporains (citons pour le contre-exemple Sébastien Tellier qui est de cette trempe, prouvant que cela est possible). Pour s'exonérer de cette sujétion française et s'inspirer de ce qui existe, je vous invite à lorgner du côté du Canada où l'influence américaine n'a pas que de mauvais échos. Malajube est un groupe québécois qui a sorti son premier album en 2004 mais c'est surtout avec leur deuxième album que le groupe a connu la notoriété à la fois au Canada et, fait rare pour un groupe francophone, également aux Etats-Unis. Trompe-l'oeil est un album surréaliste. Comme le mouvement auquel il fait référence, il se veut une ouverture de la pensée humaine, la plus profonde, concernant les relations humaines, en particulier amoureuse, sans qu'aucune barrière de la bienséance aux idées reçues n'entravent le propos. Pour développer ce dernier, le tout sur une base Powerpop fraiche et totalement décomplexée là aussi, les quatre membres de Malajube offre une mise en abime métaphorique dont le sujet est l'homme et la(les) femme(s) et les propos l'affection (la médicale suggérant la passionnelle). Tout est construit pour duper l'écouteur, la voix du chanteur à peine audible sur certains morceaux, laissant paraître seulement quelques mots crus, imagés, déroutants, exacerbant ce sentiment de confusion. Malajube s'en amuse et il est bon de s'accrocher pour s'intéresser et comprendre leurs intentions. En sus, il ne faut pas occulter les arrangements musicaux parfois très complexes dévoilant la maitrise de ces gars. Du rock énergique sur Fille à plumes (Hallucinations) à la pop mélancolique d'Etienne d'Août (La mort), de la Power-pop scabreuse de Montréal -40° (rhume de Sinus) au featuring hip-hop La russe (Syndrôme Gilles de la Tourette) avec Loco Locass, du piano « charleston » sur Ton plat favori (Chirugie) à l'électro-punk de Fille à plumes (Hallucinations), Malajube offre un paysage musical fourni et bienheureux. Alors amis français, comprenez le message et lâchez la bride, j'en serai dada.
Mr Blue
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