En 1970, un énorme typhon dévaste le Bangladesh, qui sera encore déchiré par une guerre civile particulièrement sanglante. Face à l'étendue des besoins humanitaires, l'aide internationale n'est que parcellaire. A la demande de son ami Ravi Shankar, George Harrison décide d'organiser le premier « charity concert » de l'histoire de la musique populaire (par opposition à la musique savante), au Madison Square Garden, New-York. Tous les fonds récolté par le concert, le disque, et le film, seront reversés à l'UNICEF, et ils le sont d'ailleurs toujours. Devant un public de fans surtout venu voir deux anciens Beatles un an après leur séparation (car Ringo est là aussi !), le grand et discret George fait commencer le concert par un morceau de sitar par Ravi Shankar, qui dure 16 petites minutes... Il anticipe quand même avant la prestation du Maître, et annonce : « j'ai compris que vous étiez venus voir Ringo et moi et Dylan avec vos briquets allumés en l'air, mais avant ça imprégnez-vous un peu des harmonies indiennes de mon pote Ravi...! ». La patience du public sera récompensée, au-delà de toute l'imagination envisageable. Sur scène : George, Ringo, Dylan, Billy Preston (le pianiste des Beatles), Leon Russel, Clapton. En plus de ça, 15 musiciens, dont 6 guitares, 6 cuivres, une deuxième batterie. Un des line-up les plus exceptionnels de l'histoire du rock. On a Ringo qui chante une de ses chansons en même temps qu'il tape sur ses toms, avec sa voix si touchante d'approximation, on a une section rythmique exceptionnelle et des morceaux furieux qui lui rendent grâce (le medley de Leon Russel, Wah-wah), on a les compositions de George, un peu moins prolifique que Paul et John mais qui est quand même l'auteur de Here comes the sun, While my guitar gently weeps, ou Beware of the darkness (entre autres), on a Dylan, nature, peinture, sincère, véritable, tel qu'il n'a jamais cessé d'être. On a cette manière modeste et embarrassée qu'a George de présenter les musiciens... On a ce solo de Clapton sur While my guitar gently weeps... céleste, interstellaire, sidéral. Et puis, et puis, et puis : on a cette performance ahurissante et indomptée de Billy Preston. Regardez la vidéo et dites-nous si vous avez déjà vu/entendu quelque chose d'aussi jouissif de votre vivant, parce que nous, jamais ! Ou presque. Trente ans plus tard, plus ou moins les mêmes musiciens se réuniront à nouveau au Royal Albert Hall de Londres, pour un dernier salut triste mais souriant, et rempli de beaucoup de gouttes d'émotions. C'est un album historique, qui en ce 21 juin 2013 reste, à toujours, dans la mémoire de l'incontestable spécialiste d'Harrison qu'est Corentin Chauvel, à qui nous dédicaçons chaleureusement cette chronique. C'est un album grandiose, qui montre avec éclat comment la musique peut dépasser sa finalité et servir d'autres causes, qu'elles soient humanitaires, sociétales, ou liées à la justesse nos perceptions du monde.
Mr Moka
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