Il est une épidémie qui frappe tous les groupes anglais et ce depuis l'invention du Rock N'Roll (le premier qui lance le débat sur les débuts de la musique du diable sera obligé de boire l'apéro avec Laurent Boyer) et cette maladie consiste à réaliser un album en rapport avec l'Amérique. Bah ouais, le pays de l'Oncle Sam fascine autant qu'il agace les zicos outre-Manche. L'histoire est connue, l'après-guerre déverse son lot de musique sur la perfide Albion. John entend Buddy Holly, Keith achète un disque de Chuck Berry, bref, l'histoire est en marche. Elle laissera des cicatrices, un rapport amour-raillerie qui frappera quasiment toutes les têtes de gondole du Rock made in England. Voyez plutôt, Eric Burdon se prend (avec réussite) pour un chanteur du Kentucky sur « House of the rising sun ». Les Stones à leurs débuts prêtent constamment allégeance à Bo Didley et Muddy Waters. Plus récemment, Bowie fait dans l'explicite avec son « I'm afraid of Americans ». Même les Fab Four de Liverpool y vont de leur référence sarcastique avec le célébrissime groupe factice « Sergent Pepper's Lonely Hearts Club Band » qui moque avec mesure les groupes américains de l'époque et leur patronymes à rallonge. Pour Supertramp, l'angle est multiple, avec une série de petits sketchs qui nous racontent leur vision des U.S.A. La pochette elle-même donne le ton. Une serveuse grassouillette entre deux âges se substitue à la statue de la liberté tandis qu'une batterie de condiments remplace les buildings de Manhattan. Le morceau d'ouverture « Gone Hollywood » nous décrit une ville des anges qui sonne comme une conserve vide. Triste réservoir à rêve en rade, la cité des stars broie les naïfs et met à l'ombre les losers. « The logical song » dénonce l'uniformisation de la pensée outre-Atlantique, le texte ne s'embarrasse pas de métaphore et tombe même dans le fatalisme lorsque le héros demande d'une voix suppliante qui il est. « Goodbye stranger » reprend la sempiternelle image du héros amerloque délaissant sa compagne pour reprendre la route. Exercice de style façon « I'm a poor lonesome cow-boy », admirable ballade à déguster à l'heure du crépuscule. On inverse les rôles pour « Breakfast in America » qui donne son nom à l'album. Rick Davies et Roger Hodgson se font les porte-voix des stéréotypes, sorte de répit humoristique, clin d'oeil significatif, histoire de dire que le disque n'est pas non plus un brûlot. C'est d'ailleurs à la moitié du disque que les auteurs lâchent progressivement du lest. « Take the long way home » ressemble plus à un règlement de compte entre les deux leaders du groupe qu'à une suite logique. « Lord is it mine » verse dans l'évangélisation si chère aux Yankees mais pourrait tout aussi bien être une prière plus personnelle à la manière des pop-stars qui s'essoufflent. Les deux plages suivantes perdent le fil avant que « Child of vision » ne remette le disque sur de bons rails pour l'arrivée en gare. Le chanteur ne prend pas l'Amérique par le col mais l'invite plutôt à changer. Tel deux potes partageant un verre, l'un parle, l'autre boit. Le causeur envoie une brouette de pavés dans la mare, mal-bouffe, politique guerrière et fascination malsaine pour le dieu dollar...Soyons honnêtes, l'auditeur retiendra surtout la musique en mettant de côté les paroles des super clochards. Elle est là, la prouesse de la formation britannique, un son identifiable entre tous, cette guitare qui épouse les claviers et ceci quel que soit le tempo. Elle est là, la tragédie de la bande à Hodgson et Davies. Une volonté réelle de proposer des albums-concept et d'être pourtant, par définition, un groupe de singles. Le petit dèj' chez les Ricains est, avec « Crime of the century », la meilleure vente du groupe. Pour nous autres, braves acheteurs et chalands de tous bords, c'est plus humblement l'occasion de bouffer une belle ribambelle de tubes...Sinon, vos oeufs, vous les aimez comment ?
Mr Malo
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