La soirée se déroulait au quatre-vingt-dix-neuvième étage de mon immeuble et avait commencé comme un coup de tonnerre. C'est sûrement Bill, peut-être Charlie ou moi, va savoir ? Toujours est 'il que « Brown Sugar » a explosé dans la pièce laissant dans son sillon une tornade d'hormones, un cyclone d'euphorisants qui collent aux neurones, un danger ambulant pour les petites culottes désireuses de chasteté. On a envoyé valser les tables, autant vous dire que les portes n'ont pas fait long feu. Comme de bien entendu, « Sway » a suivi. On a bien saisi que ça déblatérait sur une certaine idée de vie démente et des risques encourus à mener ce type d'existence. Marianne nous a convaincu de ne pas céder à la panique tout en balançant la téloche par-dessus le balcon. On a regardé la boîte à cons se diriger vers le bitume puis on a salué l'explosion avec des hurlements d'animaux. En regagnant le salon, on a tous pigé que l'ambiance avait pris du plomb dans l'aile, « Wild Horses » s'imposait comme un silence d'après-bataille. Comme le calme de la piaule où elle est passée chercher son restant d'affaires. Une paix synonyme de malheur, une ombre mauvaise, le frôlement délicat du camé qui s'abandonne dans son pieu suite à l'injection. On en était presque à rendre les armes quand un riff monstrueux est sorti des profondeurs. « Can't you hear me knocking » a refilé une certaine vigueur à Brian comme en témoignait alors son saut de l'ange en direction du décolleté d'Anita. Stu a consciencieusement roulé le tapis en boule avant d'y foutre le feu. Qu'est-ce qu'on pouvait faire, le laisser en plan ? Bah non, bien entendu, on s'est donc mis à tourner autour du totem scintillant. Braves Sioux hirsutes, on a dansé en arrachant nos vêtements, histoire de voir si on avait tous la même robinetterie. La transe mystique nous avait quelque peu fatigué, Keith a donc pissé sur le restant d'incendie tout en sifflotant « you gotta move ». Les bouteilles ont tourné de main en main nous faisant abandonner notre condition de sauvages des grandes plaines. On est redevenus des petits cons abandonnés au dernier niveau du bâtiment. C'était le moment des premières dissensions, les noms d'oiseaux ont volé un peu partout. « Bitch » a résonné comme de par hasard, Bianca a giflé Mick, Brian a mis une mandale à Marlon, Keith a collé une beigne à Charlie, Andrew a assommé Bill. Moi, j'ai préféré me cogner la tête contre le mur le plus proche. Dans ce genre de contexte, entendre résonner « I got the blues » était quasiment bienvenu. On a cessé la distribution de châtaignes, un peu bipolaires, très bourrés. On a opté pour la foire aux câlins. Il était surtout question de s'étreindre le plus fort possible. Comme ça, en silence, rien à se faire pardonner et tout à oublier. Les premières notes de « Sister Morphine » nous ont convaincu qu'il était temps de s'organiser. Ron, discret jusqu'ici, a métamorphosé un tas de fringues en lit de camp. On l'a imité avec entrain, on pouvait pas prévoir. Non, on pouvait pas se douter que « Dead flowers » allait nous péter à la face. Entre le chant du cygne et la danse des canards, on s'est ébroués sur le son de cette gratte lugubre qui invite joyeusement au trépas. Mon intérieur n'avait pas résisté aux réjouissances, tout y était passé. Au beau milieu du carnage, les rideaux rouges et intacts me donnaient l'impression de narguer les restes du mobilier. Je les arrachais donc avec l'aide de Jimmy, qui, il faut bien le reconnaître, est toujours dans les bons coups. La nuit s'achevait sous les violons de « Moonlight Mile » avec nous autres comme spectateurs assidus. Belle brochette de dégénérés, grelottants face la ville encore endormie. Un peu déçus, un peu rassurés de savoir que l'obscurité perdait du terrain à chaque minute............................................................................................................................................J'aurais pu aussi vous dire que « Sticky Fingers » est le neuvième album des Rolling Stones, le premier sans Brian Jones et par conséquence le premier avec Mick Taylor. Oui, j'aurais pu expliquer que sa sortie coïncide avec la plongée dans l'héroïne pour monsieur Riff Richards. La rupture entre Mick Jagger et Marianne Faithfull, ce qui explique d'une certaine façon le son tellement bluesy qui émane du disque. Clairement, j'aurais pu vous raconter qu'avec Jimmy Miller aux manettes, les Stones donnent la quintessence d'eux-mêmes. Un an plus tard, ils s'exilent en France et nous concoctent « Exile on Main street ». Ces deux galettes représentent l'Olympe dans la mythologie Stonienne. J'aurais pu écrire ça...Ouais, j'aurais pu.
Mr Malo
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