Arrêtons-nous un instant et regardons les choses en face. Bien malgré certains, nous avons tous gardé une part d'enfance, et pas souvent la plus appréciable, la jalousie de ce que possède autrui, la volonté du tout et tout de suite, le désarroi face au monde et à ce qu'il faut gravir pour avancer. Bref rien de glorieux. Oui nous avons une part de notre passé en nous, mais plutôt que de la réfréner, pourrions-nous imaginer nous en satisfaire et au contraire, préserver ses bons côtés à ceux plus sombres, l'émerveillement à la désillusion, la douce mélancolie aux amers regrets, la naïveté candide à la crédulité ovine, la solidarité altruiste au partagé calculé. Un combat juste que de se souvenir ce qui nous a construit. Pourquoi cette entrée me direz-vous ? Et bien car c'est un peu comme cela que j'imagine le constat dressé par Woodkid sur Iron, son premier EP. Woodkid, Yoann Lemoine de son état, nous a donc pondu une madeleine de Proust, revêtue d'une esthétique rare. Cette esthétique, tout en clair-obscur, tant sur la plume, l'image que la croche, me rappelle volontiers les plus beaux faits d'armes d'un certain Tim. Pour le visuel, rien d'étonnant puisque Yoann Lemoine a déjà réalisé des clips pour de nombreux artistes, insufflant jusque dans son projet Woodkid sa part « burtonnienne » voire « gondryiste », ces deux grands gamins à l'imagerie fantasmagorique et la poésie nuancée. Revenons à l'EP, six titres, dont deux remixes d'Iron, avant-goût du prochain album. Me voilà d'ailleurs dans une impatience infantile de sa sortie après l'écoute de cette production. Iron donc, c'est une voix, narrative, posée et profonde, de celle qu'on a envie d'écouter, de celle qui a des histoires à partager. Et ces récits sont de deux ordres, épique et romantique. Épique comme sur le premier titre où une orchestration puissante et maîtrisée mêle sonorités tribale et symphonique, percussions et cuivres (Iron), soulignant l'antagonisme du signifiant et du signifié, de ce que l'on entend et de ce que cela évoque. Romantique dans sa proportion aux souvenirs, qu'ils soient blancs ou noirs. La voix est toujours aussi prégnante et narrative, le tempo plus quiet et une orchestration tout aussi soignée. Les réminiscences lumineuses, cartes postales des lieux passés, s'accompagnent des notes de piano et de guitare acoustique, soulignant la portée simple et heureuse de ces moments révélés (Brooklyn). Les secondes, plus sombres, rappel de la perte et du désarroi face à l'inconcevable, sont marquées par des arrangements où se conjuguent plaisamment instruments classiques et mélodies modernes, écho à une mélancolie dessinée par les mots (Baltimore's fireflies). L'album, remix mis de côté, se termine sur une note d'optimisme, piano et violon, esquissant que toute personne et coeur dévasté a droit à une seconde chance, la part d'enfance retrouvée (Wasteland). Ainsi va la vie dans le monde enfanté par Woodkid où se croisent Joël Barish, Edward et un certain monsieur Jack et qui nous remémore que derrière chaque Homme, un marmot sommeille. Merci à lui de si élégamment nous le rappeler.
Mr Blue
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