L'image est informe, sombre et lointaine et pourtant imposante en son centre. Un édifice fait par l'Homme ? Je ne sais si je songe ou si je suis dans un état second. Au dessus de cette pyramide, hautement symbolique, un autre s'érige, christique ou est-ce une illusion? Troublant. Le paysage, brumeux, froid rappelle les landes irlandaises des premières froideurs automnales. Mirage ? La pénombre est là, palpable, pour nous dérouter, nous laisser perplexe face au tangible. Et que diable ferait un pareil monument sur cette terre ? Allégories du solaire, du lumineux, piégées dans un océan cendre et onyx, puisant dans la fantasmagorie pour renforcer le sentiment de malaise. Cette pochette est lynchienne, belle et sinistre, épurée et complexe, incompréhensible et donc effroyable. L'album l'est tout autant, dès le disque en votre possession, les Timber Timbre vous auront prévenu. Rompu à l'exercice déjà sur leur précédent album éponyme, la folk hantée et antique de Taylor Kirk, soutenu par sa voix intense et intemporelle, s'épaissit de sonorités jazz-rock (Do I have Power, résonnant très 50's) et de bruitages angoissants (Obelisk, froid et réverbéré), là où l'épure dominait sur Timber Timbre. C'est un peu comme si le Fantôme de l'opéra décide par une nuit froide de faire un boeuf avec Léonard Cohen (Black water) et Suuns (Too old to die young), bref la rencontre du romantisme gothique, de la folk introspective et de la pop oppressante. De ce maelström d'atmosphères se découvre une musique sortie des slows des années 50, de ceux où des amoureux naïfs se déclarent lors des bals de fin d'année, aux sons des violons, pedal-steel et piano (Creep On Creepin' On, Lonesome hunter), pour mieux vous saisir sur des titres abyssaux et glaçant (Bad ritual), quand ils sont tout simplement horrifiants dans les parties instrumentales (Swamp Magic). Creep On Crepin' On, c'est un film dans un film, la bande-son d'une projection vue en haut d'une colline isolée, par quelques couples enlacés, tranquillement installés dans les sièges de leur chevrolet décapotable, alors que le danger rôde. Ou alors n'est-ce qu'un cauchemar. Quelle oeuvre ? Twin peaks, bien évidemment.
Mr Blue
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