Mais qu'ont-ils tous ces jeunots folkeux à se grimer en bourlingueurs, baroudeurs musicaux ayant subis les affres de la notoriété et de la déchéance, posant voix et mots comme catharsis d'une existence effrénée, sans fin ni fond. Ils ont qu'ils possèdent une voix, grave, posée, que certaines pourraient qualifier de charnelle. Ils ont la facilité et la sensibilité de leurs pairs, des Neil Young, Dylan ou Elliot Smith et sûrement la faculté à s'imposer des heures de travail pour y arriver. Ils ont la maturité du voyage, de l'assimilation des expériences à l'ouverture aux rencontres. Ils ont cette petite étoile, tintement au dessus du berceau ou entourage bienveillant, et l'intelligence de ne pas se spolier trop tôt, trop vite, eux à peine sortis des murs de la pédagogie. Ils ont du talent. Qu'ils s'appellent Zach Condon Outre-atlantique ou Louis Aguilar en France, la valeur n'attend pas le nombre des années. Corneille en jurerait. En effet, comment qualifier autrement que de petit génie ce lillois qui, après déjà trois albums en solo, se décide de produire en groupe, en l'occurrence avec les Crocodiles Tears (Brendan O'Regan à la basse et Nicolas Degrande à la batterie) donnant plus de variations et de profondeur à ses productions. Close Your Eyes, You're Invisible est un petit condensé de folk, touchant à la lo-fi (The rose of No man's land) comme à l'americana (Tales of a rocking boat), titillant le rock indé dans ses poussées électriques (Love). Un son qui se veut minimaliste ou complexe, exaltant les échappées belles américaines (le très country Hurt) ou les saveurs balkaniques (Small town, son orgue et ces bruitages de fête foraine que l'on pourrait retrouver sur une compo de Beirut). Bref, une atmosphère générale que l'on retrouve chez Gravenhurst ou Middle east. Pour Louis Aguilar qui a vécu un temps dans le Midwest, traverser les States, de préférence de nuit, avec une girlfriend embarquée au passage, ne serait lui déplaire (imaginez le sur With me). Les titres sont longs, un bien nécessaire pour s'immerger totalement, en lâcher prise, dans l'univers voulu par le groupe. L'apothéose sont évidemment les neuf minutes du dernier titre, Six feet under. Tout comme With me, il pourrait figurer sur la B.O d'un film, ici d'un road movie lynchien, par l'alternance des passages pesants des cordes électriques et introspectifs du couple accoustique-voix des ou d'un western de frères Cohen, la rythmique nous intimant la projection. Ce titre, magique au demeurant, nous empoigne et nous invite. D'auditeurs, nous devenons spectateurs, invisibles aux protagonistes. Fermez les yeux, vous verrez, Louis Aguilar and the Crocodile Tears sont valeureux.
Mr Blue
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