Je ne me rappelle plus trop bien du moment, il y a un bout de temps maintenant. Il était tard pour sûr. La radio était calée sur je ne sais quelle station, je m'en veux presque de ne plus me rappeler, histoire de la remercier. Cette station était mon bruit de fond et de ce bruit de fond est venue une musique. Et de cette musique, mon corps s'est transi. Un frisson a parcouru mon échine. Poignant. La voix de l'artiste n'a pas relâché l'étreinte dans laquelle je m'étais entravé et pour laquelle je ne voulais absolument pas m'enfuir. Telle fut ma première rencontre avec la Folk. Tel fut mon premier émoi, comment un sentiment amoureux, comme une évidence pour une musique qui m'échappait jusque là et que je venais de percuter de plein coeur. Rien n'atteint la perfection, et rare s'en approche. Damien Rice dès ses premières lignes musicales en fut capable. Sorti en 2003, « O » a l'approche juste d'une folk simple et sincère dans ses intentions. Juste. Juste dans l'émotion car l'album ne verse jamais dans le larmoiement ou l'apitoiement, pour au contraire se satisfaire en lui-même, nous proposant une émotion, belle, tendre, qui nous tend les bras sans contrainte ni leurre. Cette émotion qui s'immisce dès le premier titre Delicate, où la folk minimaliste du début se couvre de violons et de la voix déchirante de Rice, pour ne jamais disparaître et au contraire s'amplifier avec le sublime final Eskimo qui, dans une mise en abime, monte également crescendo jusqu'au final lyrique interprétée par Doreen Curran. Juste dans les messages, où la plume de Rice fait merveille et nous rappelle que de belles et tristes histoires se nourrissent de bons mots (Older chests). Juste dans les arrangements de ses compositions où même si la guitare (une Lowden créée par un luthier irlandais) sait se suffire à elle-même (Cannonball), violons et violoncelles, apogée de délicatesse, se rajoutent en harmonie par petites touches, tableau au soleil couchant rubéfiant un horizon d'une lande irlandaise, agréments délicieux florissant les oreilles des auditeurs, un plat n'ayant de saveurs que savamment relevé (Amie). Juste dans les performances vocales où sa voix, modulable dans sa puissance et sa gravité, est à même de rendre les loups, agneaux (The Blower's Daughter), accompagné en cela sur de nombreux titres par le bel et clair organe de Lisa Hannigan, avec qui une complicité se ressent, naviguant entre le dialogue (Volcano) et le souffle mystique (Cold water). Juste dans la production, jamais linéaire même si connotée, et si certains rajoutent des couches pour cacher, Damien Rice quant à lui nappe son exercice deci de passage Pop, delà d'un choeur grave pour nous ravir, la surprise venant jusqu'au titre caché, parlons plutôt des titres cachés, au nombre de trois, méritant par eux-mêmes de figurer sur « O », de l'électrique Prague où la voix de Rice se fait encore plus poignante qu'à l'accoutumée à Woman like a man, titre folk-blues où les voix des deux comparses se mêlent excellemment. Comment convaincre quand on est convaincu soit-même ? Si la Folk n'est pas votre panacée, laissez-vous embarquer quelques instants. L'humain est empli d'émotions, il est bon de se laisser submerger quelquefois, et de les vivre. Damien Rice est capable de vous les faire toucher, simplement.
Mr Blue
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