Petit sondage. Ne vous est-il jamais arrivé à l'écoute d'une voix à la radio d'imaginer quel pourrait être le tenancier dudit organe ou à la lecture d'un roman de projeter l'image mentale du possesseur de cette plume ? Il arrive parfois que l'on tape dans le mille. Parfois. Car pour combien de voix soul, nous n'imaginons pas une résidente de Göteborg, pour combien de « American Psycho », nous ne percevons pas l'homme de la City au costume cintré. Bref, nous nous laissons assez aisément dupés par notre culture et nos représentations sociales. Ce fut le cas à ma première écoute de « Jungle by night », album éponyme du groupe présentement exposé. Dès les premières notes, le groove s'installe. Le mélange, la symbiose pourrait-on se laisser tenter de dire, entre les influences africaines, notamment prodiguées par la scansion des percussions traditionnelles, et les influences occidentales, projetées par la rythmique jazz-funk soutenue par les sessions cuivres-clavier-guitare, font définitivement penser au roi Fela et à la mouvance Afro-beat dont il a donné essence avec son comparse et batteur Tony Allen. Inventé à la fin des années soixante, l'Afro-beat représente à la fois les prémisses de ce que sera la fusion de cultures musicales différenciées culturellement et géographiquement, un son diablement entraînant, libératoire et instinctif mais également une forme de contestation sociale au régime établi. L'écoute de cette album, dont la maitrise technique est indéniable et la maturité des compositions palpable, m'a donc fait irrémédiablement pensé à un groupe de vieux briscards venus du continent du nigérian Fela et de l'éthiopien Mulatu, la pochette ne donnant pas d'indices quant à l'origine de ce Big band. Et là surprise. Non seulement ces gars sont originaires du pays des moulins à vent et des tulipes mais de surcroit, la moyenne d'âge de cette troupe est de 17 ans ! Sur ces cinq titres, savamment dosés et où toutes les inflluences ont la part belle, ces jeunots s'évertuent à nous faire partager leur « transmusicalité » avec une telle énergie et qualité qu'il est difficile de ne pas se laisser tenter au voyage. D'Abuja à la Nouvelle-Orléans, il n'y a qu'un pas, ou plutôt une écoute.
Mr Blue
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