Temps et Savoir. Sur la durée ou l'immédiat, acquis ou inné, le talent peut s'inscrire sur plusieurs plans et se révéler soit par une soif de travail et de perfectionnement continus, soit parcequ'une femme à la baguette agile et magique a posé son regard sur le bambin, d'aucun parlerait de génie. Il en est qui possède ses deux facettes, laborieux par état et talentueux par essence, la naissance d'une étoile, a star is born. Mais il arrive que l'étoile se transforme en supernova, les hasards de la vie sont parfois bien étranges. Né alors un mythe, a legend is born. Jeff Buckley s'inscrit dans cette histoire là. Le temps. Fils d'un chanteur reconnu mais qu'il n'a lui-même que très peu connu, formé au classique par sa mère, initié à Led Zep par son Beau-père, il découvre en grandissant Edith Piaf et l'opéra de Benjamin Britten. Le savoir. Étudiant au L.A Institute, il apprend la guitare et se voit fortement influencé par la musique des Smith et de Cocteau Twins. Plus tard, il fait ses premières armes au Sin-é café, un album Live en sortira, où il s'essaye aux reprises et teste ses premières compositions, dont « Grâce » et « Mojo Pin » qu'il a composé avec Gary Lucas, ex-membre du groupe de Captain Beefheart. Dès cette époque, on reconnaît ses facultés et on remarque sa voix, capable de moduler aisément sur quatre octaves et qu'il utilise comme un instrument, touchant au divin quand il arpente les aigus. Mais ce talent ne lui suffit pas. Jeff Buckley est un bûcheur. Temps et savoir. L'album Grâce est l'incarnation de ses inspirations et ses exigences. « Hallelujah », reprise de Leonard Cohen, chanson céleste et emblématique, aux multiples moutures dont même la dernière version, transcrite sur l'album, ne plaisait pas à ce perfectionniste en est le parfait exemple. Mais l'album, sous l'égide de sonorités Led-zepienne, réserve bien d'autres joyaux, « So real » au style vocal-rock, « Eternal life » lorgnant plus sur le hard-rock ou l'épique final « Dream brother » teinté de rythmes orientaux. D'autres reprises sont présentes comme le jazzy « Lilac wine » ou le lyrique « Corpus christi carol » provenant d'une pièce de Britten, justifiant si le besoin s'en faisait sentir, la maitrise phonique de Buckley. Oh, et je vous invite, petit apparté, à lire les textes de ses chansons, l'application de Buckey se ressentant jusque dans sa plume, précise et précieuse. Le temps lui a manqué pour nous proposer un autre album. La grâce aurait-elle été au rendez-vous ? Allez savoir, mais j'ai une idée sur la question.
Mr Blue
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