Elevons le débat. Un peu d'art voulez-vous. Il sera question du Clair-obscur, technique artistique dans laquelle des élèments opposés se confrontent. En peinture, des parties claires côtoient immédiatement et sans dégradation de couleurs des parties très sombres, créant des effets de contrastes parfois violents; en littérature, le clair-obscur est une figure de style appelée oxymore qui consiste à placer l'un à côté de l'autre deux mots opposés afin de créer un troisième sens. Ces mots posés, revenons à notre sujet, c'est à dire la musique pour convenir que le groupe présenté est dans la ligne droite de nos disgressions picturales. «L'obscure clarté» du Cid pourrait ainsi aisément définir l'antinomie qui se dégage de la pochette, noire, légèrement floutée et oppressante, et le nom du groupe de ces quatre montréalais, Suuns, à la consonnance plus solaire. Car tout est paradoxe sur cet opus. « Zeroes QC » apparaît comme irradiée d'une froide noirceur. Un mélange d'électro minimaliste et de rock noisy parcourt cet album, le tout dans une ambiance oppressante rendue par la voix sussurée et hypnotique de Ben Shemie. Quelques morceaux jaillissent comme des traits de lumières salvatrices avant que nous replongions dans des méandres labyrinthiques et étouffants. Où se situer quand le planant et sensuel « Organ blues » se confronte à l'un des morceaux Salem les plus réussis jamais entendus, le très malsain « Pie Ix ». Comment ne pas se perdre quand au noisy punk « Maurauder » et ses riffs de guitares ravajeurs, succède l'électro-expérimental et addictive de « Sweet Nothing ». Le vice allant même jusqu'à perturber nos sens, la peur se transformant en un doux écrin dans lequel on se protège, sur « Fear ». D'autres morceaux de bravoure comme le Shoegaze « Gaze » ou les sombres pièces électro d'« Arena » et rock d'« Armed for peace », qui ouvre l'album, confirment le talent de ce quatuor de Montréal à triturer instruments et nappes digitales pour nous offrir un univers oscillant entre pop torturée, rock introspectif et électro ambiancée. Suuns confirme que nous pouvons associer peinture, littérature et musique. Peut-on maintenant affirmer ou confirmer qu'il existe du cubisme ou de l'impressionisme en matière de sons? Le débat est ouvert.
Mr Blue
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